Question :
... nous avons idée de tout défaire à l'étage, enlever les divisions, les doubles planchers, les murs et plafonds de lattes des chambres, pour ensuite faire l'isolation par l'intérieur, soit faire gicler de l'uréthane au plafond à 2 pouces d'épaisseur pour ne pas perdre les poutres du plafond, nous n'avons pas l'intention d'avoir un grenier, nous désirons garder toute cette hauteur pour que ça devienne un toit en cathédrale.
Ça va nous éviter de défaire le toit par l'extérieur pour faire une isolation par l'extérieur, comme on voit sur votre site. Qu'en pensez vous ?
Réponse :
Vous n'êtes pas les premiers à avoir penser à cette solution ... mais malheureusement, vous êtes dans l'erreur.
C'est pas une bonne idée d'isoler par l'intérieur un toit en isolant entre les chevrons, surtout à l'uréthane, et surtout si on ne crée pas une chambre d'air ventilée entre la face extérieure de l'isolant et la tôle.
Parce que, s'il n'y a pas de chambre d'air ventilé sous la tôle, la perte de chaleur par le toit, va être emprisonné dans la planche ancienne du toit sous la tôle, et ça va se transformer en condensation sur la face extérieure de l'isolant. Résultat, votre planche de toit et la face extérieure de vos chevrons, vont tous lentement "champignonner" et "pourrir" avec le temps, le dégoulinage de cette eau de condensation va dégouliner sur l'isolant et couler dans vos mur de versant de toit (murs façade et à l'arrière), ces murs vont aussi être attaqués. Dans 10 à 20 ans tout va être pourri (planches de toit, une partie des chevrons, le haut des murs ...) c'est pas drôle rendu là ...
Voyons techniquement, pourquoi.
Premièrement, si vous isolez par l'intérieur en laissant apparent une partie des chevrons pour les voir d'en dedans, ces chevrons vont devenir ce que l'on appelle en construction, un pont thermique vers l'extérieur.
En plein hiver froid vous risquez de voir "apparaître" la forme de vos chevrons sur le toit à l'extérieur (ça se remarque parce que la neige fond vis à vis les chevrons sur la tôle dehors).
C'est pas sorcier, votre chevron de bois a environ 6 à 7 pouces d'èpais.
Sa face apparente à l'intérieure pendant l'hiver, est à une température très chaude, entre 25 et 35 degrés celcius,
(parce que la chaleur dans un toit cathédrale s'accumule dans le faîte, si vous garder la maison à 20 degré celcius à l'intérieur, dans le toit cathédrale c'est très chaud, la chaleur monte).
Donc revenons à notre chevron de 6 pouces d'épais, sa face intérieur est à environ 30 degrés celcius et 6 pouces plus loin sa face extérieure qui est collé sur la planche de toit et la tôle est au gros froid à -10,- 20, -25, -30 degrés celcius, qu'est-ce qui se passe ?
La chaleur passe au travers le chevron de bois, et sort sur la face froide du chevron dehors, elle se condense, fait des goutelettes, ça gèle, c'est pas ventilé donc ça pourri lentement. c'est ce qu'on appelle un pont thermique, ce choc thermique crée de la condensation sur la face extérieure du chevron.
(la résistance du bois est de R1 au pouce d'épaisseur, un chevron de 6 pouces c'est R6 de résistance, ça sort vite dehors ... par comparaison le styrofoam est de R5 au pouce, l'urétahane de R7 au pouce.)
Deuxièmement, 2 pouces d'isolant d'uréthane sur un plafond c'est pas assez. Un toit de maison c'est l'endroit le pire, où la chaleur se perd dans une maison. Donc avec un petit 2 pouces d'isolant, la chaleur va finir par passer au travers ou par les joints uréthane-chevrons, et encore une fois cette sortie de chaleur-humidité qui sera emprisonnée sous la tôle créer de la condensation non ventilée, et tout ce qu'il y a de bois sous la tôle, pourri.
Troisièmement, au point de vue de l'histoire de la maison, si vous pulvérisez l'uréthane directement sur la vieille planche de toit à l'intérieur, entre les chevrons, vous allez scrapper à jamais cette planche ancienne du toit, parce que l'uréthane c'est plus enlevable une fois que c'est collé sur du bois. Cette planche (qu'on voit dans votre grenier froid actuellement) ne sera plus accessibles pour les générations à venir, au cas ou on voudrait revoir ces planches originales un jour.
(Petite parenthèse : N'oublions pas que votre maison ancestrale en réalité ne vous appartient pas directement, elle appartient au patrimoine bâti Québécois, vous n'êtes que de passage dedans. Cette maison si elle est bien entretenue va durer très longtemps, vous allez mourir mais elle sera encore là pour d'autres ... pensez y un instant, il faut la respecter !
Vous aimez aujourd'hui retrouver la vieille maison avec ses cachets anciens, laissez aussi la chance à ceux qui viendront après vous, d'avoir ce même plaisir.
Pulvériser de l'uréthane directement sur la planche du toit, c'est une action irréversible. IDÉALEMENT, quand on fait des interventions sur des parties structurale anciennes d'une maison, il faut essayer de faire des actions qui penvent être réversibles à un moment donné. C'est à mon avis un paramètre très important à respecter lors d'une restauration.
La "perception" de ce paramètre, que certains ingénieurs ou architectes, qui fonctionnent quelquefois TROP "by the book", dans certaines décisions, semble manquer pendant leur formation scolastique. Plusieurs de ces professionnels, ont litéralement "scapper" des bâtiments anciens, en fonctionnant avec leur orgueil personnel, plutôt qu'avec une attitude plus modeste, plus anlytique et plus compréhensive du bâtiment ancien ... )
Donc en résumé, comme résultat de cette intervention d'isoler directement sur la planche de toit par l'intérieur : ça va créer de la condensation sur le toit de planches sous la tôle dehors, et à la longue votre planche de toit coincée entre l'isolant et la tôle, non ventilée, va toute pourrir ainsi que la face extérieure des chevrons, et la condensation va dégouter dans les murs de la maison, c'est le début de la fin, vous allez scrapper la cabane...
Cette pourriture n'est pas visible de l'intérieur, et on ne s'en doute pas, c'est cacher. ça se dégrade d'années en années, jusqu'à ce qu'on commence par voir des signes de dégoutage sur le bord des lucarnes, dans le bas des versants du toit par l'intérieur, dégoutage sur les murs au rez-de-chaussée etc. Quand c'est rendu qu'on voit ces dégoutages, c'est que c'est déjà très pourri en dessous, le cancer est dans la place, et souvent plein de champignons.... et des champignons qui 'fromage" dans les murs, sans qu'on le sache, c'est pas vraiment jojo pour la santé...
Quand on veut absolument isoler le toit par l'intérieur, pour avoir un toit cathédrale, il y a 2 façons de la faire.
Avec la première façon, vous ne verrez malheureusement pas les chevrons de la charpente de toit, vous allez voir seulement que les entraits, et les poinçons et contreventements s'il s'agit d'une charpente complexe d'influence Française.
On latte SUR la face intérieur des chevrons et on commence l'isolation là (vous ne verrez pas les chevrons) le vide en dessous de la latte qui est l'espace de l'épaisseur des chevrons doit devenir une chambre d'air qui doit être VENTILÉE par l'extérieur.
Pour l'isolation qu'on applique sur cette latte, mettez au moins R-30 à R-40 en isolant rigide (styrofoam) c'est moins cher que l'uréthane, par la suite coupe-vapeur, et finition.
C'est certain, que la majorité des gens qui isolent un toit par l'extérieur, essaient de ne pas trop épaissir le toit pour ne pas trop perdre la forme architecturale voulue. Donc il y a compromis en mettant moins d'épaisseur d'isolant, quitte à ne pas être dans les normes. C'est là que la chambre d'air "froide", par dessus la couche d'isolant a tout son sens. Et n'oubliez pas, qu'une chambre d'air, c'est aussi un isolant supplémentaire.
Comme deuxième façon, si vous insistez pour isoler entre les chevrons pour voir une partie de ceux-ci par l'intérieur, au moins mettez un papier noir sur la planche de toit et pulvérisez sur ce papier. La planche ancienne du toit va être préservée, et votre travail va être réversible plus tard par d'autres. Par la suite, il faut défaire le recouvrement de tôle dehors et faire une chambre d'air d'ou moins 1 pouce et 1/2 de hauteur, avant de remettre votre tôle.
Cette chambre d'air doit être ventilée par les avants couvertures et par le faîte. (dans un recouvrement de tôle, on installe au faîte, ce que les ferblantiers appellent : un faîte de ventilation.) De cette façon la chaleur-humidité qui va sortir par les ponts thermiques ou au travers de l'isolant, va être aspiré par le courant d'air de la chambre d'air, et ne stagnera pas sur place.
Donc, tant qu'à défaire le toit de tôle dehors pour faire une chambre d'air, c'est aussi bien d'isoler par l'extérieur. C'est la seule vraie bonne façon de le faire.
Vous allez avoir de l'intérieur la vue magnifique de tout l'ancien toit, chevrons et planches incluses. Pour plus de détails techniques sur la façon d'isoler le toit par l'extérieur, voir plusieurs dossiers explicatifs sur mon site, entre autre la maison Leblanc ou la maison Couture.
J'ai vu dans mes inspections de maisons, plusieurs cas de toitures pourrites avec cette stratégie d'isolation. Cette façon de faire, (on en voit plusieurs exemples dans les livres), a été populaire dans les années 1970-80. Aujourd'hui en 2010, les problèmes commencent à faire surface dans plusieurs maisons.
Si vous achetez une maison ancienne, dont l'isolation du toit a été faite de cette façon, prenez garde ... faites inspecter.
Voici en photos, un exemple de ce que j'explique ci-haut.
photo-1
On voit ici sur photo-1, une maison de près de 250 ans.
photo-2
Sur photos 1 et 2, les gros arbres feuillus en facâde de la maison, garde l'humidité sans séchage sur ce recouvrement en bardeaux de cèdre, ce qui cause en partie ce vert de gris sur les bardeaux. Mais en plus, une accumulation de l'humidité par en dessous n'aide pas la situation.
photo-3
Dans le mur pignon de cette photo-3, une espèce de fenêtre ronde qui n'a pas vraiment de rapport avec cette maison, a été mal installée. La fenêtre est en retrait dans le mur, job d'amateur.
De plus, une pulvérisation à l'uréthane par l'intérieur, autour de cette fenêtre, directement sur la planche d'origine de la maison, sans chambre d'air, a fait couler de l'eau de condensation SOUS le revêtement de bardeaux de bois du pignon et sous le déclin de bois du mur plus bas.
On remarque avec le gondollement du bardeau et du déclin, qu'il se passe quelque chose d'humide en dessous.
photo-4
Sur photos 4 et 5, après avoir fait un curetage d'inspection sur le bas du mur, on voit que le carré de pièce en dessous, a été affecté par une accumulation d'humidité, il a pourri à plusieurs endroits.
Dommage ...
photo-5
photo-6
Vue de l'intérieur de ce mur pignon, on voit l'uréthane pulvérise sur la planche d'origine du pignon, de plus par l'extérieur on a pas fait de chambre d'air. On a plutôt cloué sur ce pignon par extérieur, des panneaux d'aglomérés (aspenite), sur lequel le bardeau de cèdre est cloué. Très mauvais comme décision, l'aspenite empêche le mur de respirer.
On commence à voir un peu partout sur ce pignon d'uréthane, des traces d'humidité emprisonnée en dessous.
Sur la photo-6a ci-bas, un trou d'inspection dans l'uréthane de ce pignon, nous permet de constater que la planche de pignon d'origine, est pourrite, elle tombe en poudre. On remarque l'aspenite dans le fond qui, sans chambre.
De l'aspenite c'est carrément un coupe vapeur, ça ne respire pas, c'est constitué de 80% de colle 20% de bois. Produit pas cher, cheap, bas de gamme. ça gonfle à l'humidité excessive, c'est de la m... et ça donne ce que ça donne ....
photo-6a
photo-7
Sur photos 7-8-9 et 10, on voit quelle allure on a voulu donner au grenier. Style cathédrale, on a tout pulvérisé la planche ancienne et les pannes de cette belle charpente de toit. On a voulu, comme le courriel ci-haut, voulu garder la face des chevrons apparents.
On a par la suite peinturer cet uréthane en blanc. Voilà ce que ça donne .... un "look" de toiture style "pulpeux".
On a fait ce travail de ...cochon... dans les années 1970-80. Bravo, méchante de belle job !
Dire qu'il y avait autrefois, un beau grenier très ancien ici, avec sa planche de toit d'origine à la verticale, large et rougie par le temps. Ce devait être splendide. Il n'y a plus rien de cela, tout est scrapper ...
C'est une job en gros de beaucoup de $ pour tout refaire ça ....
photo-8
photo-9
photo-10
On remarque du dégoulinage un peu partout sur l'uréthane, mauvais signe. C'est tellement pourri en dessous, que tout doit être en pâte de jello, et ça passe au travers l'uréthane pour venir beurrer en dedans.
Ça fait approximativement 25, 30 ans que cette job a été faite. J'ai fait l'inspection de ce bâtiment en 2010. Trop tard ...
photo-11
Sur photo 11, on remarque sur le contreplaqué par terre des traces de dégoulinage, ça veut dire qu'il y a probablement eu également dégoulinage dans les murs....
photo-12
Ici sur photo 12 trou fait dans l'uréthane pour inspection.
photo-13
Ce que je montre sur photo-13, c'est l'ancienne planche d'origine du toit, qui tombe en poussière de pourriture.
photo-14
Ce que je montre sur photo-14, c,est un vieux recouvrement de bardeaux de cèdre qui n'a pas été enlevé du toit, et sur lequel on a cloué des panneaux d'aspenite pour recevoir le bardeau de cèdre que l'on voit actuellement dehors sur la maison (photo1-2).
Tous ces matériaux forment un "sandwich" sans chambre d'air, tout est pourri.
photo-15
Ce que je montre sur photo-15 c'est la face extérieure du chevron qui a pourri, un peu de champignons pour accompagner le tout.
photo-16
Sur photo-16 un autre trou d'examen dans l'uréthane, pour s'appercevoir en photo-17 que le chevron à perdu le 1/2 de son épaisseur par pourriture par l'extérieur.
photo-17
Et voilà le travail, pas chic n'est-ce pas !!
Les gens qui ont fait ça il y a 20-30 ans ??, pensaient à leur petit besoin personnel de ce temps là, sans avoir eu aucun respect pour le bâtiment et sans penser aux générations à venir. Pas fort ...