15-"Le crin de cheval", entre les pièces de murs en pièce sur pièce = c'est une Légende Urbaine Populaire. C'est plutôt de l'étoupe de filasse de lin, récupéré lors de "brayage" automnal du lin.

Plusieurs personnes, qui ont acquis une maison traditionnelle, et qui effectuent des travaux majeurs de restauration, m'envoient des courriels et m'expliquent leurs trouvailles dans ces vieux murs.

Entre autre commentaires, ces personnes me disent qu'ils ont trouvé du "Crin de cheval", mis en boudins qui scellent les joints entre les pièce sur pièce des murs. Ils découvrent ce matériau, lorsqu'ils font le curetage des murs intérieurs du rez-de-chaussée, et qu'ils se rendent jusqu'à la structure de mur en pièce sur pièce.

On appelle ce boudin de remplissage entre les pièces : de l'ÉTOUPE.

Ce n'est pas du CRIN DE CHEVAL cette étoupe.

On a affaire ici, à une légende urbaine. Cette mention de "crin de cheval", à chaque fois que l"on voit un boudin fibreux de végétal ancien qui servait à isoler une maison entre les pièces de mur, aux contours de portes ou les contours de fenêtres, etc., ne tient pas.

C'est dans 95% des cas, de l'ÉTOUPE DE restant de filasse de LIN.

"De la filasse de lin", comme je dis dans mon jargon, tel jargon qui m'est venu, à force de parler avec des gens âgés en campagne, qui me visitent quelques fois sur mes chantiers de récupération de maisons, et qui m'instruisent toujours par leurs dires de souvenances et leurs parlures du passé.

On a toujours cultivé le lin au Québec, depuis très longtemps jusqu'à la première moitié du 20 ième siècle d'une façon traditionnelle.

Le lin c'est un médicament et une nourriture par ses graines.
- C'est une tige fibreuse (comme le chanvre), de laquelle on en retire les fibres pour tisser des vêtements, des nappes, des tabliers, des toiles de voiliers.
  Un tissus de lin est frais l'été au gros soleil, et très résistant à l'usure.
On en fait de l'huile pour faire de la peinture entre autre.
- On en fait des cordages et divers autre applications utiles par la revente de la fibre "teillée" et bien "peignée".
Le lin étant un excellent isolant thermique, on fait de l'étoupe avec les restants de la fibre de lin.

Le lin était donc primordial, dans les cultures anciennes, comme également le sont le blé, l'avoine etc.

Voici le procédé de transformation du lin :

On le séme.
On le récolte à la main, pour ramasser la plus longue tige possible du plant de lin.
On l'étend sur le sol en "andains". il y restera pendant quelques semaines, subissant la pluie et le séchage au soleil. Cette opération sert è séparer la fibre de la tige. (D'autres techniques le font tremper dans une mare d'eau courante, et le fond sécher par la suite en andains dans les champs.). On appelle cette étape, le "rouissage"

La photo-1 suivante, nous montre la récolte du lin, étendu avec soin en andains au sol, pour le rouissage.

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Le rouissage. Photo de E.L.Désilets, 1948, Archives Nationales du Québec.

Par la suite, vient l'étape du "teillage", (aussi appelé le brayage ou dans le jargon le broyage, breillage). Cette étape est souvent réalisé par les femmes, qui font ce travail de teillage en "corvée" entre parenté et voisines de rang.
Pendant le teillage, on sépare la fibre de lin de sa paille, on nettoie la fibre, et on peigne la fibre.

Sur la photo-2 suivante, les femmes en corvée de teillage, ont posé en nous montrant les différentes étapes du teillage..

(une corvée automnale, du "brayage" du lin)

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1- Une femme noire, amène la paille de lin, ramassé sur le champs après que le rouissage soit complété.

2- Les femmes (en #2) vont broyé la tige de paille avec le "teil" (aussi appelé une breille, ou une braie).
La tige de paille séchée, se casse sous les coups du teil traditionnel fait de bois dur. Cette opération fait ressortir le fibre de lin de sa paille.
On ramasse la graine à cette étape, ou pendant le rouissage.

3- Cette femme nettoie davantage (bat) la fibre de lin avec ce long couteau de bois, pour enlever complètement les brins de paille séchés de la tige, brins de paille qui sont demeurés agrippés à la fibre, (nettoyage). À cette étape, la longue fibre de lin, reste dans la main, la petie fibre tombe par terre et servira entre autre, de FIBRE À ÉTOUPE.

4- On peigne par la suite, les longues fibres de lin, sur ce peigne artisanal, constitué d'une planche avec de longs pics de fer forgés, percés en travers de la planche. (on voit ce peigne sur la chaise).

5- La fibre peignée, est déposé en beaux écheveaux au centre de la photo, prêts à être enfilé sur le rouet pour le futur tissage de vêtements, pour être vendue ou pour être utilisé à d'autres fins.

6- Les restants de petites fibres de lin qui jonchent le sol, sont amassées au rateau par la dame (en #6). Ce sera avec cette "fibre à étoupe" de lin, qu'on isolera les carrés de pièces des maisons.

Plusieurs femmes sur cette photos ancienne, portent d'ailleurs des pièces de vêtements, tissés de lin, leurs tabliers entre-autre, le lin étant très résistant à l'usure ...

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Le teillage (brayage, broyage, breillage) du lin. Photo de Jean-Baptiste Dupuis, 1910, Musée du Bas St-Laurent.

Transportez cette photo-3 sur votre ordinateur, et "zoomez" dans la photo, pour en voir les détails.

À consulter aussi : http://fr.wikipedia.org/wiki/Lin_cultiv%C3%A9

Voici sur photo-4, un autre exemple d'une corvée de "brayage de lin à l'automne".

St-Joachim 1919, (photo collection Therrien)

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On remarque à gauche une femme, habillée pour l'automne, puisque le brayage se fait avant l'hiver. Cette femme ainsi que les 2 hommes à droite utilisent une braie, genre de hachoir à 2 ou 3 lamelles de bois qui s'insère dans des fentes dans le plateau de la braie.

Lorsque le bras de la "braie" est actionné vers le bas pour casser l'enveloppe de la tige de lin, la fibre se libère.
L'écorce dure de l'enveloppe du lin, avec des restants de petites fibres de lin, tombe par terre en avant de la braie.

Une brouette sur la photo contient de la paille de lin non broyée, et la dame serrière la brouette, tient dans ses bras des paquets de fibres de lin, brayées et prête à être nettoyée des restants de brindilles de l'enveloppe et sera amenée par la suite sur le rouet et plus tard sur le métier à tisser pour la confection vestimentaire ou autre, qui se fera sûrement dans les longs mois d'hiver.

Voici sur photo-5 et 6, un autre exemple d'une corvée de "brayage de lin à l'automne".

St-Damien 1941, congrégation de Soeurs avec des élèves de leur école pour filles.

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On remarque sur photo-5, à gauche, une arche de pierre au sol, qui sert d'emplacement pour faire un feu de bois,

sur le dessus de cet arche de pierre, des perches soutiennent des gerbes de lin, qui sèchent au travers la fumée de la braise de ce foyer extérieur improvisé.

Dans le bas de la photo, une partie du champs de lin qui a été fauché, au sol les gerbes de lin.

Des religieuses accompagnées de leurs élèves, font une corvée de Brayage de Lin.

On voit plusieurs braies sur le terrain actionnées par les travailleuses.

On voit aussi du peignage de la fibre, pour la nettoyer des bouts d'écorces de la tige, qui demeurent coincés dans la fibre de lin.

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Un agrandissement de la photo nous montre au premier plan, 2 jeunes filles qui nettoie la fibre des bouts d'écorces de tiges,

et en arrière plan, 2 religieuse et une élève qui activent la braie.

Voici d'autres exemples d'étoupes qui j'ai vu dans des murs anciens.

J'ai ègalement vu des étoupes de murs, boudinés avec de longues épines de pin (il devait y avoir beaucoup de pins dans les régions avoisinantes de ces maisons).

J'ai vu des étoupes de fibre de lin mélangées avec de la paille d'avoine, des étoupes d'écorces de cèdre, des étoupes de paille et glaises.

Mais je n'ai jamais vu d'étoupe avec du crin de cheval. Le crin de cheval était utilisé autrement. Comme par exemple du rembourage de siège de carrioles, de chaises capitonnées, de sofas, de récamiers, et d'autres applications.

Photo-1

Sur les photos 1 et 2, on voit de l'étoupe de petites filasses de lin, non nettoyées, mélangées avec sa paille concassée.

Photo-2

Photo-3

Sur les photos-3-4-5, on a étoupé avec de l'écorce de cèdre, tortillé en boudins.

Photo-4

Photo-5

Photo-6

Sur photo-6, on constate également qu'en plus d'être un excellent isolant, l'étoupe végétale sert de support pour retenir le ciment de finition sur les joints entre les pièces. Le vieux ciment de chaux, s'agrippe solidement à l'étoupe, ce qui l'empêche de craqueler et de tomber.